Une Lettre à Lencie Mirville qui a été kidnappée, tourturée et assassinée
J’accuse
Tu n’avais certainement pas encore saisi suffisamment le vrai sens de la vie. Mais tu es partie. En fait, ils t’ont viré de ce monde. Ces malfrats t’ont tout volé jusqu’à t’éteindre le souffle. J’imagine ta peur en compagnie de ces sanguinaires. J’imagine aussi tes pleurs. J’imagine chaque instant de dégout que tu as du passer avec ces malfaiteurs. Ton envie de mourir avant qu’ils t’ont enlevé la vie. J’imagine leurs insultes à ton égard. J’imagine leurs gifles sur tes petites joues.
Lencie, bon nombre de gens pleurent ta mort. Tu n’aurais certainement jamais souhaité que ta photo circule sur les réseaux sociaux au plus simple appareil. Mais, les malfrats t’ont avili. Ils ont avili ton corps de femme. Ils ont déniaisé ta pudeur.
Permet moi de pleurer ta mort, moi qui ne t’ai point connue. Permet moi de m’indigner devant ta photo, toi qui ne m’a peut-être jamais vu. Laisse-moi verser des larmes de colère. Car, je te le dis haut et fort damoiselle, ceux-là qui t’ont enlevé la vie ne sont pas tes seuls assassins.
J’accuse ma société qui s’engouffre continuellement dans leur « je wè bouch pe ». Mon pays est trop coincé pour que des bandits réussissent à te garder comme otage durant des jours sans que personne ne fasse un « kout dwèt ». Nos « kout dwèt » se servent plutôt à dénigrer, à faire du mal. Un seul petit « kout dwèt » aurait pu te sauver Lencie. Mais ma société préfère vivre son « je m’en foutisme » en attendant le malheur pour se lamenter sur les photos qu’on va publier à la suite sur le net.
J’accuse la police nationale qui, encore en 2015, est dépourvue d’un service d’intelligence. Ils sont vraiment doués dans la brutalité comme si c’était ça leur méthode d’intervention. L’insécurité grandit chaque jour dans le pays, mais au lieu d’agir, cette institution préfère trottiner aux pieds des dirigeants. Notre police est plus milice que police ! C’est un fait.
J’accuse les compagnies téléphoniques du pays. Elles font tout pour maximiser leurs profits, même si cela doit renforcer l’insécurité. J’accuse également la Conatel qui ne fait rien pour contrôler véritablement ce secteur. Où est passé la mesure qui interdisait les compagnies de vendre les cartes Sim aux usagers sans leur exiger une pièce d’identité ? Les ravisseurs ont appelé ton père Lencie pour l’imposer une rançon de 150 milles dollars. N’est-ce pas qu’il est facile de localiser un appel téléphonique à l’ère des nouvelles technologies de l’information et de la communication ? On aurait pu te sauver si les compagnies téléphoniques n’agissaient pas isolément dans le pays.
J’accuse également les organisations de droits humains du pays qui semblent ne défendre que les droits qui aient une portée politique. Elles sont toutes dans les rues ce jeudi 10 décembre. Mais ce n’est pas pour dénoncer ta mort honteuse et prématurée Lencie. Elles sont dans les rues pour contester les résultats des élections !
J’accuse tout le monde, d’une façon ou d’une autre qui, même s’ils pleurent ta mort, oublieront dans moins d’une semaine la barbarie de cet acte. Je m’accuse moi-même de mon incapacité à empêcher que d’autres jeunes comme toi ne soient aussi bêtement tués prochainement. J’accuse la vie elle-même d’être aussi facile à enlever.
Ritzamarum ZÉTRENNE
L’auteur de ce texte veut denoncer la barbarie dans ce pays. Aidez lui en partageant ce texte.